(du grec bakterion : "petit bâton")
Etre généralement unicellulaire dépourvu de noyau et d'organites, qui se
reproduisent en se divisant en deux cellules identiques (scissiparité) et dont
il existe de nombreuses formes.
Les bactéries constituent le groupe des micro-organismes procaryotes.
On peut les trouver dans presque tous les milieux: air, sol, eau (sources
froides et chaudes, et même les courants au fond des océans qui recèlent des
bactéries utilisant des composés du soufre). Certaines bactéries se retrouvent
dans presque tous les aliments, et beaucoup d'entre elles vivent en symbiose
avec des organismes vivants plus complexes (plantes, animaux...).
Les stromatolithes sont des roches affleurant sur le littoral australien
(Pilbara, Tumbiana) et constituant les traces les plus anciennes d'une activité
bactérienne sur la Terre, datant de 2,7 milliards d'années.
A cette époque, les bactéries étaient des organismes anaérobies simples se
nourrissant de méthane (l'oxygène n'existe encore que sous forme de traces).
Les bactéries présentent trois formes principales visibles à l'examen
microscopique. Les cellules sphériques, (coccis ou coques), regroupent les
streptocoques, les entérocoques, les staphylocoques. Les cellules qui ont
l'aspect de bâtonnets, pouvant être effilés aux deux extrémités, représentent
les bacilles (colibacilles, salmonelles). Les cellules en spirale sont les
vibrions, ou spirilles, et les cellules ovoïdes de forme intermédiaire entre
les cocci et les bacilles ont reçu le nom de coccobacilles.
La cellule bactérienne possède des dimensions de l'ordre du micromètre (1/1 000
de millimètre). La taille moyenne d'une bactérie varie entre 1 et 10
micromètres, mais il existe des cellules "naines" de 0,2 micromètre et des
cellules géantes longues de 500 micromètres. La structure bactérienne montre
toujours des caractéristiques de procaryote, c'est-à-dire une cellule dépourvue
de mitochondries, de chloroplastes et de noyau différencié. On observe un seul
chromosome en boucle, baignant dans le cytoplasme.
La paroi cellulaire est formée de mucopolysaccharides spéciaux (les
peptidoglycanes) et entourée d'une capsule polyosidique. Cette paroi donne à
la cellule bactérienne sa forme caractéristique et sa rigidité en la protégeant
des variations de pression osmotique. La structure de base de la paroi est
souvent complétée par des constituants variables selon chaque espèce, et ces
différences apparaissent grâce à la coloration de Gram. Celle-ci permet de
distinguer les bactéries dites Gram positif, qui possèdent une paroi épaisse et
dense, de celles dites Gram négatif, dont la couche de peptidoglycanes est
doublée d'une membrane semblable à la membrane cytoplasmique. Outre son rôle
de squelette, la paroi bactérienne constitue la zone d'échange entre la
bactérie et le milieu extérieur.
L'affinité des bactéries pour l'oxygène change selon les espèces : certaines
nécessitent l'oxygène de l'air libre (bactéries aérobies, comme Pseudomonas ou
Bacillus), d'autres ne peuvent vivre qu'en l'absence d'oxygène (bactéries
anaérobies). Ces dernières sont responsables, entre autres, des réactions de
putréfaction. Quelques espèces, enfin, assimilent l'azote de l'air, comme les
Clostridium. Leurs milieux de vie sont très variables. On distingue les
bactéries autotrophes (cyanobactéries, nitrobactéries, ferrobactéries...), qui
ne nécessitent pas de substrat organique, les bactéries parasites, qui se
développent aux dépens d'un être vivant avec bénéfices réciproques (cas de
symbiose), et, enfin, les bactéries saprophytes, qui vivent dans la terre
humide aux dépens des résidus organiques. Les bactéries peuvent avoir une
certaine mobilité grâce à des cils ou à des flagelles, comme la bactérie
thypoïdique, ou être immobiles, comme le streptocoque.
Toutes les bactéries ne sont pas douées de mouvement, mais celles qui le sont
disposent le plus souvent d'un ou plusieurs flagelles. En fonction du sens de
rotation du flagelle, la bactérie peut avancer ou rester sur place. La durée
des périodes de mouvement ou de sur place est directement liée aux récepteurs
placés dans la membrane, qui lui permettent de repérer des "attracteurs"
(nourriture par exemple), ou de fuir des conditions environnementales
défavorables. Chez certaines bactéries aquatiques, contenant des particules de
fer, on a pu démontrer que la locomotion était directement liée au champ
magnétique terrestre.
On considère qu'en deça de 0,14 micromètre de diamètre, il est impossible de
loger dans une cellule tous les éléments nécessaires à sa survie.
Des bactéries de 1 à 10 µm, voire 0,2 µm pour les plus petites, ont été
trouvées dans un glacier groenlandais, enrichissant d'une douzaine d'espèces
totalement nouvelles la famille déjà grande des bactéries [07/2004].
3 nouvelles espèces de bactéries ont été trouvées dans des échantillons d'air
recueillis dans la stratosphère, entre 12 et 50 km d'altitude. Ces organismes
sont extrêmement résistants aux rayons ultra-violets [05/2009].
* Activité des bactéries :
Les saprophytes sont importants car ils permettent le processus de
décomposition. Les bactéries symbiotes, pour leur part, sont très nombreuses
dans les tissus humains, notamment dans l'intestin et la peau, où elles sont
indispensables aux processus métaboliques. Une telle relation de symbiose se
distingue de la relation commensaliste (un symbiote survit en s'emparant de
nutriments de son hôte sans causer de dommages particuliers), et elle s'oppose
à la relation parasitaire (dans laquelle l'hôte de la bactérie finit par
mourir).
Les bactéries jouent un rôle dans la décomposition de nombreux produits frais
(lait, viande, vin, légumes...) et peuvent même changer leur composition, voire
les rendre complètement impropres à la consommation (comme le font les
bactéries staphylocoque doré et clostridium botulinum). Toutefois, de
nombreuses industries emploient des bactéries. Les espèces fermentatives sont
utilisées notamment dans la production de laitages. Certaines autres espèces
sont utilisées dans la confection de produits aussi divers que le tabac, le
cuir, les textiles, les médicaments et les détergents.
Les bactéries, qu'on trouve dans pratiquement n'importe quel environnement,
participent toutes aux processus biologiques. Elles produisent de la lumière,
par exemple dans la phosphorescence des poissons morts. Elles peuvent également
produire tellement de chaleur que des combustions spontanées peuvent avoir lieu
dans les meules de foin. Certaines bactéries anaérobies, décomposant la
cellulose, permettent l'apparition de gaz dans les marais. D'autres encore, au
moyen du processus d'oxydation, permettent la formation de dépôts ferrugineux,
de l'ocre, ou encore du minerai de manganèse.
Les bactéries ont une influence fondamentale sur la nature. Cette influence
découle du rôle actif des bactéries dans les processus de décomposition qui
offrent de grandes réserves de nourriture aux plantes. Notons au passage que
toutes les bactéries n'ont pas un rôle purement destructeur dans ce domaine, et
il faut citer, par exemple, le rhizobium radicicola, qui se fixe sur les
racines, et permet aux plantes de stabiliser l'azote dont elles ont besoin pour
grandir. De même, il est aujourd'hui pratiquement prouvé que les bactéries
permettent le processus de photosynthèse.
La classification des milliers d'espèces que l'on connaît actuellement repose
essentiellement sur la ressemblance (classification morphologique). Les
critères utilisés pour établir la systématique bactérienne se fondent sur une
hiérarchie déterminée de tous les caractères cytophysiologiques. L'analyse
moléculaire permet de séparer le groupe des archéobactéries de toutes les
autres bactéries, appelées eubactéries ("vraies" bactéries).
Environ 1600 espèces sont répertoriées.
En surface, les communautés de bactéries enfouies dans le sol consomment 10
micromoles d'oxygène par litre de sédiment et par an.
Un forage du plancher océanique dans la gyre du Pacifique nord (près d'Hawaï)
a ramené des bactéries enfermées dans des sédiments vieux de 86 millions
d'années, et dont la respiration était réduite de 10 000 fois, soit 0,001 µM
par litre et par an, la pénurie d'oxygène ayant entraîné un ralentissement
extrême de leur métabolisme [05/2012].
Un forage au point le plus bas de la fosse des Mariannes (- 11 000 m), nommé
Challenger Deep, a relevé plusieurs millions de micro-organismes par cm²,
jusqu'à au moins 40 cm de profondeur, alors que la température vaut 2,5 °C et
la pression 1000 fois celle au niveau de la mer ! Ils proviendraient de la
pluie de débris qui tombe en permanence depuis la surface de l'eau [05/2013].
* La reproduction :
Les cellules bactériennes appartiennent au type procaryote, notamment
caractérisé par une absence de noyau. L'ADN bactérien, constitué d'un simple
ou d'un double brin souvent en forme de boucle, baigne dans le cytoplasme
cellulaire. Cette situation chromosomique implique une absence de mitose ou de
méiose dans la division cellulaire. Les bactéries se reproduisent donc
généralement sans avoir recours à la sexualité, et leur propagation s'effectue
par simple scissiparité.
.
Cependant, il existe chez les bactéries une forme de sexualité particulière
capable d'entraîner des modifications génétiques sans être directement liée à
une multiplication cellulaire. Il s'agit de la conjugaison, qui se manifeste
par le transfert d'ADN d'une cellule "mâle", ou donatrice, à une cellule
"femelle", ou réceptrice. Cet échange chromosomique se fait entre deux
cellules qui se séparent après la conjugaison, n'aboutissant en aucune façon à
un nouvel individu. La bactérie désirant offrir son matériel génétique se
hérisse de "pili" (microtubules partant à la recherche d'un partenaire dans
toutes les directions). Lorsqu'un pilus entre en contact avec une autre
bactérie, il se développe avant d'y transférer de l'ADN. Ce n'est pas
véritablement le chromosome en boucle qui est transmis d'une bactérie à
l'autre, mais un petit brin d'ADN extrachromosomique, circulaire, qui porte des
gènes codant pour certains caractères de la cellule "mâle" (synthèse d'enzymes,
de toxines, résistance à un antibiotique...). Cet ADN est appelé "plasmide".
Il est capable de se répliquer, même lorsqu'il reste distinct du chromosome, et
de s'intégrer au chromosome de la cellule donatrice ou de la cellule
réceptrice. D'une manière générale, les deux cellules s'accolent tandis qu'une
enzyme scinde le double brin du plasmide contenu dans la cellule mâle. Le brin
est ensuite transféré par un pont cytoplasmique (pilus) dans la cellule
réceptrice. Celle-ci synthétise ensuite le brin complémentaire pour aboutir de
nouveau à un plasmide double brin circulaire. Parfois, le plasmide emporte
avec lui un morceau du chromosome bactérien "mâle", ce qui correspond à un
transfert des informations pouvant entraîner une mutation.
.
Les bactéries connaissent également d'autres moyens de transmettre des
informations génétiques, comme la transduction, au cours de laquelle les virus
bactériophages transfèrent de l'ADN dans une bactérie parasitée, ainsi que la
transformation, au cours de laquelle la bactérie capture de l'ADN dans son
environnement. Dans ce dernier cas, pour se protéger des ADN viraux les
bactéries coupent en morceaux l'ADN récupéré avant de l'intégrer.
.
Lors de la reproduction, le matériel génétique est répliqué (recopié en deux
versions identiques), puis la bactérie s'allonge, se rétrécit au milieu, et
finit tout simplement par se diviser, formant deux cellules filles identiques à
la cellule mère. Ainsi, exactement de la même manière que pour les espèces
supérieures, une bactérie ne peut donner naissance qu'à des bactéries de même
espèce. Certaines se divisent toutes les 20 ou 40 minutes. Sous des conditions
favorables, avec une division toutes les 30 minutes, une seule cellule donne,
après 15 heures, une progéniture d'environ un milliard de cellules. Ce groupe,
également nommé colonie, devient alors visible à l'oeil nu. Au contraire, sous
des conditions défavorables, certaines bactéries Gram positif peuvent suivre un
mode de reproduction modifié, la sporulation, qui produira des spores
"dormantes", lesquelles pourront survivre à des températures et des taux
d'humidité extrêmes.
* Bactéries colonisatrices :
Le corps humain est colonisé par plus de 5000 espèces de bactéries, qui
seraient dix fois plus nombreuses que les cellules du corps, soit environ
100 000 milliards, représentant une masse de 1,2 kg !
On estime aujourd'hui ce nombre à 3,9x10^13 bactéries hébergées, réduisant le
rapport cellules humaines / bactéries à 1,3 au lieu de 10 [02/2016].
On désigne aujourd'hui par "microbiome" les bactéries colonisatrices, et par
"microbiote" les bactéries constituant la flore intestinale.
* Bactéries pathogènes :
Environ 200 espèces de bactéries sont pathogènes (c'est-à-dire responsables de
maladies) pour les humains. La virulence pathogène varie grandement selon les
espèces et dépend également de l'organisme-hôte. Parmi les bactéries les plus
violentes, et responsables de maladies humaines, on trouve celles qui causent
le choléra, le tétanos, la gangrène, la lèpre, la peste, la dysenterie, la
tuberculose, la syphilis, la fièvre typhoïde, la diphtérie, et diverses formes
de pneumonies. Jusqu'à la découverte des virus, on pensait que toutes les
maladies infectieuses étaient causées par des bactéries. Les effets pathogènes
des bactéries sur les tissus peuvent être groupés en quatre classes :
(1) effet d'action locale de la bactérie sur les tissus, comme dans la gangrène
causée par Clostridium perfringens ;
(2) effet mécanique, comme lorsqu'une colonie de bactéries bouche un vaisseau
sanguin ;
(3) effet sur la réponse de l'hôte à certaines infections bactériennes sur les
tissus, comme pour la formation de cavités pulmonaires dans la tuberculose ou
la destruction des parois du coeur dans la fièvre rhumatismale ;
(4) effets de création de toxines, lesquelles sont des substances chimiques qui
agissent comme des poisons sur les tissus. Les toxines varient d'une espèce de
bactérie à l'autre. Ainsi, la toxine du choléra n'est pas la même que celle de
la diphtérie.
* Antibiotiques :
Divers micro-organismes, et notamment certains champignons et même des
bactéries, produisent des substances chimiques toxiques pour certaines espèces
spécifiques de bactéries. Ces substances (on peut citer la pénicilline et la
streptomycine) sont connues sous le nom d'antibiotiques. Elles tuent les
bactéries ou les empêchent de se reproduire.
Ces dernières années, les antibiotiques ont joué un rôle important dans le
contrôle des maladies infectieuses, mais leur utilisation massive et sans
précaution a contribué à faire apparaître des souches bactériennes insensibles
à certains antibiotiques : c'est la résistance bactérienne, d'autant plus
dangereuse qu'elle peut se transmettre d'une espèce de bactérie à une autre.
* Biofilm :
Dans les années 1970, le biologiste américain Woody Hastings a découvert que la
bactérie marine Vibrio fischeri devient luminescente lorsqu'elle se retrouve
concentrée dans la poche particulière de certains calmars (ce qui permet à ce
dernier de faire fuire les prédateurs, effrayés par la lumière), alors qu'elle
est éteinte lorsqu'elle est diluée dans l'eau.
Ken Nealson, un étudiant, a alors suggéré que la bactérie sécrétait une molécule
qui s'accumulait dans le milieu jusqu'à atteindre un seuil de concentration qui
donne le signal d'émission de lumière. Baptisée auto-inducteur, cette molécule
a été identifiée et nommée HAI-1 (acyl-homosérine lactone).
En 1995, la biochimiste américaine Bonnie Bassler découvre une seconde molécule,
AI-2 (Auto-Inducer 2) : si HAI-1 permet à la bactérie d'estimer le nombre de ses
congénères autour d'elle, AI-2 lui permet de juger la densité des autres espèces
présentes. CAI-1 (Cholera Auto-Inducer 1), une troisième molécule de
communication, sera encore découverte en 2007.
Ce mécanisme sera baptisé "Quorum Sensing", il permet aux bactéries de
s'envoyer des messages chimiques pour évaluer leur densité et adopter de
nouveaux comportements en fonction du résultat. Elles peuvent ainsi réagir en
s'agrégeant en biofilm, en produisant une toxine, un antibiotique destiné à
lutter contre d'autres bactéries ennemies, etc.
Pour modifier l'expression de leur gènes de manière ultra-rapide et coordonnée,
des ARN régulateurs (des facteurs de transmission) sont utilisés.
La moitié au moins des espèces bactériennes possèdent les gènes permettant
d'exprimer la molécule AI-2.
Dès qu'une bactérie arrive quelque part, les premières questions chimiques
qu'elle pose sont "suis-je seule ?", "Y a-t-il d'autres individus de mon
espèce ?" et "ou d'autres espèces ?". En fonction des réponses reçues à
travers la détection de la concentration des marqueurs chimiques communs, elle
pourra alors adapter son expression génétique, toutes les bactéries étant alors
capables de changer simultanément leurs propriétés.
L'idée des chercheurs est aujourd'hui de communiquer avec les bactéries en
utilisant leur langage, par exemple leurrer des bactéries pathogènes en leur
faisant croire qu'elles sont seules, de manière stopper la production de
toxines et à bloquer la production d'un biofilm qui réduit sensiblement
l'efficacité des antibiotiques [07/2013].
.
Tous les antibiotiques actuellement sur le marché ont été testés sur des
bactéries cultivées en boîtes de Petri, c'est-à-dire de cultures planctoniques
dans lesquelles les bactéries sont libres dans des milieux liquides. Or, dans
la réalité, les bactéries vivent plutôt sous forme de biofilms, c'est-à-dire
une matrice gélatineuse qu'elles ont elles-mêmes produite, et qui apparaît sur
tous les supports, vivants ou inertes (la plaque dentaire est ainsi constituée
d'un bioflilm de 500 espèces bactérienes).
Et éliminer une bactérie à l'intérieur d'un biofilm exige une dose d'antibiotique
100 à 1000 fois plus forte que si la même bactérie était à l'état libre !
.
A l'état libre (planctonique), une bactérie se déplace en nageant, grâce à son
flagelle, vers un support qui lui convienne. Lorsqu'elle l'a trouvé, les gènes
qui contrôlent le mouvement du flagelle cessent de s'exprimer, et celui-ci va
peu à peu se désagréger. D'autres gènes impliqués dans l'adhésion et les
interactions entre bactéries vont s'activer : certains vont déclencher la
production de protéines adhésives qui permettent aux bactéries de coller au
support, d'autres interviendront dans la formation de pili, sortes de poils
moléculaires qui permettent aux bactéries de se lier chimiquement entre elles.
Tout est prêt pour le lancement d'une colonie.
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L'étape suivante est caractérisée par la multiplication des bactéries et la
production de la matrice gélatineuse du biofilm, constituée de polymères
extracellulaires contenant des sucres. De petites masses se forment, mais pas
de façon anarchique : l'édifice prend presque toujours l'allure d'un
champignon, avec son pied et son chapeau. De plus, les bactéries y sont
spécialisées : selon leur position dans le champignon, elles sont confrontées à
des environnement différents, que l'expression de leurs gènes reflète.
Peu à peu, les petites masses en forme de champignons s'unissent les unes aux
autres pour former le biofilm définitif.
Puis, à certains endroits, des cavités se forment : des bactéries flagellées
réapparaissent, s'agitent, grouillent et finissent par se détacher pour aller
conquérir à la nage de nouveaux espaces.
L'épaisseur d'un biofilm peut varier de quelques micromètres à un millimètre,
et plusieurs espèces bactériennes peuvent y prospérer : jusqu'à 500 dans la
plaque dentaire !
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Les premiers biofilms datent de 3,5 milliards d'années, il s'agit des
stromatolites, qui en accumulant des strates successives - une couche
bactérienne et une couche de sédiments - édifient dans les eaux lagunaires des
structures en forme de champignon [05/2010].
.
L'efficacité limitée des traitement antibiotiques est due au fait que leur
action laisse subsister des reliquats du biofilm, capables de générer de
nouvelles colonies et de relancer l'infection.
Par ailleurs, de nombreux antibiotiques ciblent les bactéries en division,
moment où elles sont le plus vulnérables. Mais au plus profond du biofilm,
l'absence de nourriture et d'oxygène fait que les bactéries entrent en dormance
et ne se divisent donc plus... [02/2008]
.
Non seulement la gangue gélatineuse des biofilms véhicule eau et nutriments,
mais elle protège les bactéries contre l'attaque des macrophages du système
immunitaire. Qui plus est, la vie en communauté favorise l'échange de messages
chimiques permettant aux bactéries de répondre collectivement à un stress, ce
qui les rend tolérants aux antibiotiques, voire résistants lorsque des
individus mutés échangent des gènes de résistance avec leurs voisins [05/2010].
.
Le virus HTLV-1, responsable de la leucémie humaine des lymphocytes T, forme à
la surface de ces dernières des structures semblables à un biofilm bactérien.
Pour cela, il introduit dans le génome des cellules infectées les gènes leur
ordonnant de produire à son profit la matrice extracellulaire riche en sucre
où il s'accumule, et d'où il peut beaucoup plus facilement infecter d'autres
lymphocytes. En débarrassant les cellules de ce biofilm viral, les chercheurs
ont réduit de 80 % le taux d'infection [05/2010].
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Lorsqu'elles forment un biofilm, de nombreuses bactéries produisent des
filaments, parfois très longs, qui pénètrent dans le substrat et qui peuvent
aussi relier entre eux de nombreux individus.
On parle alors de "nanoconducteurs bactériens", car il a été démontré que ces
filaments transportent des électrons liés au métabolisme des bactéries.
On ignore encore s'il s'agit d'un transfert d'information (les changements
collectifs de métabolisme des bactéries en cas d'appauvrissement brusque de
l'environnement sont étrangement rapides) ou d'une "respiration collective"
par laquelle des bactéries peuvent obtenir de l'énergie même lorsqu'elles ne
parviennent pas à extraire de la nourriture de leur environnement immédiat,
situation courante dans un biofilm [10/2010].
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Découvert par des biologistes canadiens, le peptide 1018 est capable de
détruire les biofilms bactériens en bloquant le signal interne commun aux
bactéries composant le biofilm, entraînant sa dissolution en quelques heures
[07/2014].
* Divers :
Les panaches d'aérosols qui traversent l'Océan Pacifique de l'Asie vers les
Etats-Unis en passant par la troposphère transportent de nombreuses bactéries :
l'analyse ADN de deux de ces panaches (générés par les tempêtes de sables, les
incendies ou les éruptions volcaniques) a permis d'identifier 2100 espèces de
bactéries et de champignons (à part égale), à de fortes concentrations,
bouleversant la vision des biologistes qui ne sont pas loin de considérer
l'atmosphère comme un écosystème.
Certaines études estiment par ailleurs que 30 % des précipitations dans le
monde seraient déclenchées par des micro-organismes, qui y jouent le rôle de
noyau de condensation pour faire changer de phase la vapeur d'eau [12/2012].
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L'analyse de grêlons tombés en Slovénie a permis d'y identifier d'importantes
colonies de bactéries, totalisant 17 espèces différentes, provenant en majorité
de la surface des feuilles des végétaux, d'où elles avaient été aspirées par
les courants ascendants formateurs de nuages [01/2013].
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Une nouvelle étude internationale vient de montrer que lorsque le nombre de
bactéries explose (bloom bactérien) dans les embruns au-dessus de l'océan, la
formation des nuages résultants diminue de 30 % [05/2013].
Des prélèvements effectués dans le nombril d'une soixantaine de volontaires ont
révelé la présence de 2400 espèces de bactéries, chaque nombril hébergeant un
écosystème qui lui semble spécifique, constitué de 10 à 100 espèces (67 en
moyenne) mais la moitié de ces espèces ne se trouvant que dans 10 % des
échantillons, parfois même dans un seul [01/2013].
Les ailes des cigales sont recouvertes de "nanolames" de 200 nm de haut qui
empêchent les bactéries de s'y fixer : en perforant leur paroi, leur contenu
s'échappe et les bactéries meurent. Une idée à copier pour réaliser des
revêtements antibactériens efficaces et peu coûteux [03/2013].
Une étude danoise affirme que 40 % des hernies discales seraient d'origine
bactérienne, Propionibacterium acnes (la bactérie responsable de l'acné)
représentant 80 % de ces cas ! Ces bactéries profitent de la revascularisation
qui succède à une fissure du disque intervertébral pour aller infecter les
vertèbres voisines, créant ainsi une inflammation chronique douloureuse.
80 % des patients traités avec des antibiotiques ciblant P. acnes ont vus la
fréquence et l'intensité de leurs douleurs diminuer en 100 jours [05/2013].
Les rayons ultraviolets à 207 nm de longueur d'onde tuent les bactéries sans
pénétrer les tissus humains, ce qui pourrait permettre de lutter contre
l'infection des plaies chirurgicales [12/2013].
La glèbe, présente dans les 30 premiers cm du sol, renferme une biodiversité
plus importante que tous les autres milieux terrestres : un seul gramme de
terre européenne contient 100 millions à 1 milliard de bactéries, et de 1 à 3 m
de mycélium de champignons !
Cet écosystème est une véritable usine chimique au service de l'alimentation
des plantes : il dégrade la matière organique qu'elles ne peuvent assimiler
directement en éléments minéraux comme le nitrate que les racines peuvent
capter. Il filtre aussi les eaux, stocke le carbone de l'air et limite la
prolifération des espèces pathogènes nuisibles aux plantes et aux animaux.
Plus de 15 000 espèces s'y côtoient : les protéobactéries (planctomycètes),
des bactéries aquatiques, participent à la minéralisation de la matière
organique ; les firmicutes luttent contre les bactéries pathogènes ; les
bactéroïdes (actinobactéries) stockent le carbone dans le sol.
Les terres alcalines (prairies, forêts mélangées, polycultures...) sont riches
en bactéries tandis que les sols acides (vignes, vergers, monocultures...) sont
pauves. Et une grande variété de bactéries limitent les pathogènes.
Les bactéries du sol ont déjà produit 2 antibiotiques : la pénicilline et la
vancomycine ; d'autres devraient suivre [05/2015].
Les bactéries qui colonisent la bouche ou la peau sont excrétées dans l'air
ambiant, créant un nuage de bactéries qu'il est possible d'analyser, la
composition de ce nuage constituant une signature unique spécifique à chaque
individu, comme vient de le montrer l'équipe de James Meadow (université de
l'Oregon, USA) sur une dizaine de personnes [11/2015] !
Le chercheur américain Daniel Nocera a annoncé début 2015 avoir conçu une
"feuille bionique" qui produit de l'isopropanol avec un rendement de 10 %,
et ne nécessite que de l'eau du robinet et du soleil ! Son dispositif est
basé sur une "feuille artificielle" qui produit de l'hydrogène, lequel est
consommé par des bactéries OGM produisant le carburant liquide.
Ces dispositifs à base de feuilles artificielles et de bactéries OGM annoncent
une révolution, puisqu'ils pourraient remplacer un jour tout un pan de la
pétrochimie en produisant avec de l'eau de mer tout type de molécules comme le
plastique, les médicaments ou les engrais [11/2015].
L'université du Colorado (USA) a mis au point un matériau de construction basé
sur des bactéries produisant par photosynthèse du carbonate de calcium,
ingrédient de base du ciment. Placées dans un moule contenant aussi un milieu
de culture, de la gélatine et du sable, elles fabriquent des briques ou tout
autre élément, avec des propriétés mécaniques proches de celles du béton
[03/2020].
Des chercheurs de l'Université du Texas ont mis en évidence la capacité des
bactéries Escherichia coli à conserver et à transmettre leur expérience
comportementale aux généraions suivantes, via leur teneur interne en fer.
Une faible concentration en fer est ainsi associée à la formation d'essaims,
au contraire de la formation de biofilms liée à une teneur élevée en fer.
Des marqueurs épigénétiques permettent de fixer l'expérience acquise et de la
transmettre sur au moins 4 générations avant une perte progressuve à la septième
[11/2023].
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