Les noyaux superlourds sont des noyaux atomiques artificiels comptant plus de
100 protons et occupant à ce titre les 7ème et 8ème lignes du tableau périodique
de classification des éléments atomique de Mendeleiev.
Ils sont produits au sein d'accélérateurs de particules visant non pas à briser
des particules en les colisionnant entre elles, mais au contraire à agglomérer
des noyaux atomiques entre eux pour en former de plus gros.
Plus un noyau est lourd, plus il est instable (quelques milliardièmes de s) car
plus il a y de protons dans ce noyau, plus ils se repoussent ; cependant
l'espoir est d'atteindre un hypothétique "îlot de stabilité" qui rendrait ces
noyaux stables au-delà d'un certain nombre de protons c'est la métastabilité.
Plusieurs équipes dans le monde se livrent une concurrence acharnée pour être
les premières à créer les noyaux superlourds au moyen d'équipements lourds :
LLNL aux USA, JINR en Russie, Riken au Japon...
C'est l'IUPAC (International Union of Pure and Applied Chemistry) qui recense
les découvertes et les officialise, ainsi que leur nom définitif.
En l'attente de ce nom définitif (attribué par le découvreur), les éléments
sont nommés par le nombre de protons en latin : 113 = ununtrium (Uut),
114 = ununquatrium (Uuq), 115 = ununpentium (Uup), 117 = ununseptium (UUs),
118 = ununoctium (UUo), 119 = ununennium (UUe), 120 = unbinilium (Ubn),
121 = unbiunium (Ubu), 122 = unbibium (Ubb), 126 = Unbihexium (Ubh),
130 = untrinilium (Utn), etc.
Le noyau atomique le plus lourd du monde a été fabriqué par des chercheurs
russes (JINR) et américains (LNLL) en projetant du calcium sur du curium et du
californium : ce noyau possède 118 protons, et sa durée de vie est d'environ
une milliseconde [12/2006].
Quatre nouveaux noyaux superlourds ont été annoncés par l'IUPAC : ils possèdent
113, 115, 117 et 118 protons.
Les cibles suivantes sont les éléments 119 et 120.
La France sera sur les rangs à Caen avec le GANIL et son accélérateur Spiral 2 :
en projetant 10 000 milliars d'atomes par seconde sur un cible, il n'existe
pourtant qu'une chance par mois que deux noyaux fusionnent [02/2016] !
Dans les années 1940, la physicienne germano-américaine Maria Goeppert-Mayer
(prix Nobel de Physique) a remarqué que les noyaux atomiques stables possédaient
une combinaison spécifique de protons et de neutrons : si le nombre de l'un de
ces deux éléments appartient à une liste dite de 7 "nombres magiques", alors le
noyau est stable et difficile à détruire et à exciter.
Mieux encore, si les deux quantités (protons et neutrons) se trouvent dans cette
liste de nombres magiques, alors le noyau sera encore plus stable !
C'est par exemple le cas pour l'oxygène 16, contenant 8 protons et 8 neutrons.
Ces 7 nombres magiques sont "2, 8, 20, 28, 50, 82 et 126".
Forte de ce constat, Maria Goeppert-Mayer a proposé en 1949 un modèle de la
structure du noyau atomique, qui serait agencé en couches successives de protons
et de neutrons, chacune pouvant accueillir une quantité finie de particules.
La stabilité d'un noyau serait due à une couche externe occupée en totalité.
Les 7 nombres magiques correpondent alors à une couche totalement pleine.
Ainsi, la première couche serait remplie avec 2 nucléons, la seconde avec 8,
la troisième avec 20, et ainsi de suite jusqu'à 126... ou plus ?
70 ans plus tard, ce modèle est toujours utilisé par les physiciens nucléaires.
Et ce sont précisément ces nombres magiques de nucléons qui leur font miroiter
la perspective d'un "îlot de stabilité", quelque part dans les limites extrêmes
des noyaux superlourds...
Certains calculs prédisent même de nouveaux nombres magiques : 114, 120 ou 126
pour les protons, et 172, 178 ou 184 pour les neutrons.
Ce modèle présente toutefois des faiblesses : il est incapable d'expliquer
pourquoi les nombres magiques ne fonctionnent pas dans certains noyaux, tel le
silicium 42 contenant 28 neutrons, ou l'étain 100 (50 protons et 50 neutrons).
Seule solution pour progresser : produire puis étudier les différents noyaux un
à un : 2800 noyaux ont déjà été étudiés, il en reste plus de 5000 [03/2018]...
Les éléments superlourds sont produits en bombardant des des noyaux lourds avec
des ions plus léger, toute la difficulté étant de le faire avec la bonne
énergie, afin d'obtenir une réaction de fusion-évaporation, au cours de laquelle
le noyau d'un ion fusionne avec celui de la cible, puis se désexcite en émettant
des neutrons ("évaporation" de la matière).
Mais cette fusion est extrêmement rare, et plus les ions sont lourds moins elle
est probable : 3 événements pour 10^20 ions pour l'élément 118 [03/2019] !
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